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Certains animaux sont-ils mieux adaptés à la captivité que d’autres ?

Marina Salas, Xavier Manteca

Différences entre les espèces

Il existe d’importantes différences entre les espèces en ce qui concerne leur capacité à s’adapter à la captivité. Certaines espèces se reproduisent très bien en captivité et ne présentent généralement aucun signe apparent de manque de bien-être, tandis que d’autres espèces, parfois très similaires, vivent peu de temps en captivité, se reproduisent peu ou pas du tout et présentent souvent un comportement anormal lorsqu’elles sont détenues dans des parcs zoologiques.

Les mammifères marins fournissent plusieurs exemples de ces différences. Par exemple, l’espérance de vie des grands dauphins (Tursiops truncatus) en captivité est similaire à celle de leurs congénères dans la nature, et le taux de reproduction de cette espèce peut même être plus élevé en captivité que dans la nature. En revanche, d’autres espèces de cétacés odontocètes comme le dauphin de Fraser (Lagenodelphis hosei) et le marsouin de Dall (Phocoenoides dalli) sont extraordinairement difficiles à maintenir en captivité.

Parmi les pinnipèdes, les morses (Odobenus rosmarus) se reproduisent mal et ont tendance à vivre peu de temps en captivité, tout en présentant fréquemment des stéréotypies buccales. À l’autre extrême, le phoque gris (Halichoerus grypus) se reproduit bien en captivité et a une espérance de vie équivalente à celle de ses congénères vivant en liberté.

Les différences entre les espèces sont importantes car elles nous permettent d’anticiper les problèmes et de prédire quels animaux seront plus sensibles aux éventuels effets négatifs de la captivité. En outre, la compréhension des mécanismes qui expliquent ces différences serait très utile pour concevoir des stratégies visant à améliorer le bien-être des animaux sauvages en captivité.

Malgré son importance, l’étude des différences de capacité d’adaptation des espèces à la captivité n’est pas sans poser des problèmes méthodologiques. Si l’on utilise par exemple l’espérance de vie moyenne comme critère d’adaptation à la captivité, il faut tenir compte du fait que les différences entre deux espèces peuvent être dues à une meilleure capacité d’adaptation à la captivité ou à une espérance de vie plus longue chez l’une que chez l’autre. C’est pour cette raison que l’espérance de vie moyenne de chaque espèce en captivité doit être exprimée par rapport à son espérance de vie dans des conditions naturelles.

Un deuxième problème méthodologique réside dans le fait que toutes les espèces ne présentent pas les mêmes signes de mal-être. Par conséquent, avant de conclure qu’une espèce est mieux adaptée qu’une autre, il faut s’assurer d’avoir évalué plusieurs indicateurs ou d’avoir choisi un indicateur qui soit également utile pour les deux espèces.

Malgré ces difficultés, il existe plusieurs études qui ont comparé rigoureusement l’adaptation de diverses espèces à la captivité (voir tableau). Les résultats de ces études suggèrent les considérations suivantes :

  • Une attention particulière est souvent accordée au bien-être de certaines espèces qui ont elles-mêmes des capacités cognitives particulièrement développées, car il y a des raisons de penser que les espèces plus développées sur le plan cognitif peuvent être particulièrement sensibles aux effets négatifs de la captivité. Mais il est important de se rappeler qu’il existe de nombreuses autres espèces moins « phares » qui, à certains égards, ont un développement cognitif similaire à celui des espèces considérées comme plus « intelligentes ».
  • Outre le développement cognitif, de nombreuses autres caractéristiques expliquent les différences entre les espèces en ce qui concerne leur capacité à s’adapter à la captivité. De plus, ces caractéristiques sont susceptibles de varier en fonction du groupe taxonomique. Un exemple est la distance moyenne parcourue quotidiennement par les carnivores ou des caractéristiques du régime alimentaire des ruminants.
  • Enfin, un facteur probablement essentiel pour expliquer certaines des différences entre les espèces est le degré de connaissance de leur biologie.

Cependant, de nombreuses questions subsistent quant aux différences entre les espèces en ce qui concerne leur capacité d’adaptation à la captivité.

Groupe taxonomique Nombre d’espèces Indicateurs de bien-être utilisés Résultats
Ordre Carnivora 33 · Stéréotypes

· Taux de mortalité de la progéniture

Les espèces qui parcourent quotidiennement de longues distances sont moins bien adaptées à la captivité1.
Sous-ordre des ruminants 78 · Rapport entre l’espérance de vie moyenne en captivité et la longévité maximale Les espèces qui broutent et celles pour lesquelles il n’existe pas de lignes directrices de gestion sont moins bien adaptées à la captivité2.
Ordre desPsittaciformes 53 · Autodécrochage

· Stéréotypes

· La reproduction

Les espèces les plus « intelligentes », celles qui passent plus de temps à chercher de la nourriture dans des conditions naturelles, celles qui sont plus menacées et celles qui sont plus spécialisées dans leurs besoins écologiques sont moins bien adaptées à la captivité3.

Différences entre les individus

Les différences de comportement entre les individus d’une même espèce qui ne sont pas attribuables à l’âge ou au sexe et qui sont constantes dans le temps sont décrites par les termes « tempérament » et « personnalité ». Le tempérament résulte de l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux, parmi lesquels l’environnement dans lequel se trouve l’animal aux premiers stades de son développement, y compris les phases précédant la naissance, revêt une importance particulière

Les scientifiques qui étudient le comportement animal ont traditionnellement accordé plus d’attention aux similitudes entre les individus d’une même espèce qu’à leurs différences. Cependant, ces dernières années, de nombreuses études ont été publiées sur le tempérament animal, tant chez les mammifères et les oiseaux que chez d’autres groupes de vertébrés et même chez certains invertébrés. Cet intérêt est largement dû au fait que le tempérament ou la personnalité des animaux est étroitement lié à leur bien-être. En effet, les caractéristiques du tempérament animal les plus fréquemment évaluées sont la peur, l’agressivité et la sociabilité, qui ont toutes un effet prononcé sur le bien-être des animaux.

Il existe deux façons d’étudier le tempérament des animaux. D’une part, les tuteurs qui connaissent bien les animaux notent chaque individu selon les traits de tempérament prédéfinis. L’autre option consiste à enregistrer la fréquence, la durée ou l’intensité de divers comportements censés refléter la personnalité de chaque animal. La première méthode est moins objective que la seconde, mais elle permet en contrepartie de recueillir des informations qui, autrement, ne seraient pas enregistrées. La plupart des études sur le tempérament des animaux de zoo ont été réalisées à l’aide de la première méthode.

L’évaluation du tempérament des animaux de parcs zoologiques a de nombreuses applications pratiques. Par exemple, il a été démontré chez plusieurs espèces que le tempérament des individus peut être utilisé pour prédire leur succès reproductif. Les guépards les plus craintifs (Acinonyx jubatus), par exemple, se reproduisent moins bien que les individus plus calmes. Une relation similaire entre la timidité et le succès de la reproduction a été décrite chez le panda géant (Ailuropoda melanoleuca) : les femelles timides ont un comportement sexuel moins fréquent. L’étude de la relation entre le tempérament et la reproduction chez le panda géant a permis d’identifier les facteurs environnementaux qui ont l’effet le plus prononcé sur la personnalité et donc sur la reproduction. Chez le rhinocéros noir (Diceros bicornis), les mâles moins dominants ont un plus grand succès reproductif que les mâles plus dominants. Les installations plus amples produisent des mâles moins dominants et moins agressifs, et les couples composés d’une femelle dominante et d’un mâle moins dominant ont le plus grand succès reproductif.

Le tempérament est également important pour la formation de groupes d’animaux stables : le tempérament des gorilles (Gorilla gorilla gorilla), par exemple, permet de prédire leur comportement agressif et affiliatif.

La réponse des animaux aux programmes d’enrichissement de l’environnement dépend de leur tempérament : alors qu’un nouveau stimulus peut stimuler le comportement exploratoire et avoir un effet positif sur le bien-être d’un individu peu craintif, le même stimulus peut avoir l’effet inverse sur un individu très craintif. Enfin, certaines données suggèrent que le tempérament des animaux conditionne leur sensibilité à certaines maladies.

Références ç

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