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Douleur et gêne de la glande mammaire au tarissement chez les vaches laitières

Eva Mainau, Déborah Temple, Xavier Manteca

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Le tarissement des vaches laitières implique l’interruption progressive ou brutale de la traite. L’arrêt progressif de la traite est obtenu en réduisant l’énergie consommée ou en réduisant la fréquence de traite avant le tarissement. Ces deux procédures sont associées à un engorgement de la glande mammaire provoquant une gêne et une douleur de la mamelle, qui sont plus prononcées chez les vaches à forte production et quand le tarissement est brutal.

Changements physiologiques de la glande mammaire

Pendant le tarissement, la glande mammaire continue de synthétiser et de sécréter du lait, ce qui augmente la pression intramammaire et peut provoquer des douleurs et de l’inconfort. Le lait s’accumule dans les alvéoles et les canaux lactifères de la glande mammaire, provoquant une distension de la mamelle 16 heures après le début du tarissement. Par la suite, on observe une dégénérescence des cellules sécrétrices suivie d’une rupture des structures alvéolaires et lobulaires de la mamelle. Environ 16 à 18 heures après le tarissement, la pression intramammaire augmente rapidement, entraînant un goute à goute de lait et une réaction inflammatoire modérée. L’inflammation entraîne une augmentation transitoire du flux sanguin, une augmentation du nombre de neutrophiles dans le lait et des modifications des jonctions serrées. La pression intra-mammaire atteint son maximum 2 jours après le tarissement, puis diminue, mais reste présente pendant 4 à 6 jours quand le tarissement est brutal.

Facteurs influençant la douleur causée par le tarissement

    1. Facteurs influençant les douleurs dues au tarissement

Les vaches produisant des quantités de lait plus importantes au moment du tarissement (>20Kg/jour) ont des volumes de sécrétion mammaire plus élevés pendant le début de l’involution que les vaches produisant des quantités de lait plus faibles (<15Kg/jour). Actuellement, le tarissement implique l’arrêt de la traite des vaches qui produisent des quantités significatives de lait, telles que 20-35 kg/jour, et dans certains cas jusqu’à 50 kg/jour. Le risque de douleur due à l’engorgement de la mamelle pendant le tarissement est plus élevé chez les vaches à forte production.

    1. Arrêt brutal de la traite

L’arrêt brutal de la traite environ 40 à 50 jours avant le jour prévu du vêlage est une pratique courante. Certaines exploitations préfèrent diminuer la fréquence de la traite plusieurs jours avant le tarissement afin de réduire la production laitière. Malgré cela, il existe des preuves que cette pratique peut provoquer un certain degré d’inconfort dû à la distension de la mamelle.

    1. Nombre de vêlages

Les vaches primipares peuvent ressentir plus d’inconfort pendant le tarissement que les vaches multipares. Outre leur manque d’expérience, les primipares ont une courbe de lactation plus persistante et une relative immaturité de la mamelle. Du coup, les vaches primipares son moint tolérantes face à des pressions intramammaires élevées.

Indicateurs de la douleur causée par le tarissement

    1. Comportement au repos

Les vaches réduisent leur comportement de repos en raison de la douleur de la mamelle, probablement pour tenter de soulager la pression sur la mamelle. Ce phénomène sera expliqué plus en détail dans la prochaine fiche d’information.

    1. Réponse comportementale à la manipulation de la mamelle

L’évaluation de la réaction des animaux lorsqu’ils sont manipulés est une méthode couramment utilisée pour évaluer la douleur. Cette méthode est considérée comme valide et fiable dans la mesure où la réaction de l’animal est notée de manière standardisée. La sensibilité à la douleur a été quantifiée à l’aide d’une stimulation mécanique (algomètres) ou thermique (laser CO2) sur l’une des pattes arrière ou sur le pis des vaches. Ces méthodes mesurent le seuil nociceptif, défini comme le plus petit stimulus nécessaire pour provoquer une réponse douloureuse. Lorsqu’un stimulus est appliqué à une zone douloureuse, la vache réagit en adoptant un comportement d’évitement, par exemple en donnant des coups de patte, en levant le pied ou en secouant intensément la queue. L’abaissement du seuil nociceptif entraîne une augmentation de la sensation douloureuse. Jusqu’à présent, l’utilisation de ces méthodes chez les vaches laitières visait surtout à évaluer la douleur associée à la boiterie ou à la mammite. Récemment, une grille a été décrite pour évaluer la douleur associée à l’engorgement de la mamelle chez les vaches taries. Les vaches sont classées en quatre catégories (0 = pas de douleur à la mamelle ; 1 = douleur légère à la mamelle ; 2 = douleur modérée à la mamelle ; 3 = douleur forte à la mamelle) en fonction de leur réaction à la palpation de la mamelle. Des données indiquent que le lendemain du tarissement, environ 21% de vaches ressentent des douleurs à la mamelle en réponse à l’engorgement de la mamelle.

    1. Mesures de l’engorgement de la mamelle et de la pression de la mamelle

Après l’arrêt de la traite, le lait accumulé dans le tissu mammaire provoque une augmentation de la pression intramammaire. L’engorgement de la mamelle après le début du tarissement reflète la pression élevée à l’intérieur de la mamelle. Cette pression peut entraîner une détérioration des tissus et provoquer des douleurs. Certaines mesures de l’engorgement de la mamelle et/ou de la pression de la mamelle ont été proposées comme mesures indirectes de la douleur de la mamelle :

      • La pression de la mamelle peut être mesurée en appliquant des stimuli mécaniques à la mamelle ou par palpation.
      • La variation de la distance entre les trayons avant la dernière traite et le jour suivant le tarissement est une mesure pratique pour évaluer l’engorgement de la mamelle.
      • Les fuites de lait de la glande mammaire sont définies comme l’écoulement ou la chute de lait d’un trayon et constituent un facteur de risque pour le développement d’infections intramammaires.
      • Une augmentation des vocalisations peut indiquer la douleur due à l’engorgement de la mamelle. Les vocalisations peuvent aussi indiquer des moments de détresse ou de faim pendant le tarissement.

Le tarissement est une situation stressante

Le tarissement provoque un stress physiologique. La douleur causée par une pression intramammaire élevée après le début du tarissement s’accompagne d’une réaction de stress. Les vaches à forte production dont le tarissement est brutal plutôt que progressif présentent une pression accrue de la mamelle et une augmentation plus importante de la concentration fécale en glucocorticoïdes, ce qui est un indicateur de stress chronique. En outre, toute nouvelle situation peut déclencher un stress. Le tarissement est souvent associé à diverses situations qui peuvent être perçues par l’animal comme stressantes. Par exemple, les vaches taries sont emmenées dans un autre enclos où elles sont regroupées avec d’autres vaches et reçoivent un régime alimentaire à faible teneur énergétique. Plus la réponse au stress est importante , plus le risque d’infections intramammaires augmente.

Recommandations pour la prise en charge de la douleur durant le tarissement

      1. Réduire au minimum les situations susceptibles de provoquer un stress chronique, telles que la compétition pour la nourriture, l’eau ou l’accès à une aire confortable pour se coucher. Idéalement, les enclos devraient comporter une mangeoire suffisamment longue pour que toutes les vaches taries puissent manger en même temps (au moins 0,76 m de mangeoire par vache). En outre, chaque enclos devrait disposer d’au moins deux points d’eau fonctionnant correctement.
      2. Il est recommandé d’observer les vaches qui viennent d’être taries. L’identification d’éventuelles fuites de lait, la palpation de la mamelle et l’évaluation de la douleur de la mamelle peuvent être utiles pour estimer l’incidence des problèmes de bien-être liés au tarissement.
      3. Il est recommandé d’inhiber la production de prolactine chez les vaches très productives afin de réduire la production de lait au moment du tarissement et de stimuler l’involution mammaire. Par exemple, l’utilisation d’une dose unique de cabergoline au moment du tarissement, en tant que facilitateur potentiel du tarissement, réduit efficacement les fuites de lait, l’inconfort et la douleur dus à l’engorgement de la mamelle.

Détermination de l’engorgement de la mamelle à l’aide d’un algomètre numérique modifié en soudant une rondelle de 2 cm à 2 cm à l’extrémité de l’algomètre (Bach et al., 2015)
(Photo de l’institut de recherche IRTA, Espagne)

Résumé

Le tarissement est une phase douloureuse et stressante. La glande mammaire continue de synthétiser et de sécréter du lait au cours de l’involution précoce, ce qui entraîne une augmentation de la pression intramammaire qui peut potentiellement provoquer des douleurs chez les vaches taries. Le risque est plus élevé chez les vaches à forte production qui sont brusquement taries. L’observation du comportement des vaches quand on leur palpe le pis permet de détecter les vaches qui ont de la douleur. Les inhibiteurs de la prolactine sont recommandés pour faciliter le tarissement car ils stimulent l’involution mammaire et réduisent la douleur.

Références bibliographiques

    • Bach A, De-Prado A, Aris A 2015. Short communication : The effects of cabergoline administration at dry-off of lactating cows on udder engorgement, milk leakages, and lying behaviour. Journal of Dairy Science 98 : 1-5.
    • Bertulat S, Fischer-Tenhagen C, Suthar V, Möstl E, Isaka N, Heuwieser W 2013. Mesure des métabolites glucocorticoïdes fécaux et évaluation des caractéristiques de la mamelle pour estimer le stress après un tarissement soudain chez les vaches laitières avec différents rendements laitiers. Journal of Dairy Science 96 : 3774-3787.
    • Chapinal N, Zobel G, Painter K, Leslie KE 2014. Changements dans le comportement de couchage après l’arrêt brusque de la traite et le regroupement au moment du tarissement chez les vaches logées en stabulation libre : A case study. Journal of Veterinary Behavior 9 : 364-369.
    • Davis SR, Farr VC, Stelwagen K 1999. Regulation of yield loss and milk composition during once-daily milking : a review. Livestock Production Science 59 : 77-94.

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