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Les conséquences de la caudectomie et de la castration sur le bien-être des moutons

Eva Mainau, Déborah Temple, Pol Llonch, Xavier Manteca


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La caudectomie et la castration des mâles sont des pratiques routinières dans l’élevage du mouton. Ces pratiques sont réalisées sans anesthésie ni/ou analgésie dans de nombreux pays. Comme elles provoquent des douleurs à la fois aigües et chroniques, il est important de considérer leurs raisons d’être ainsi que l’efficacité des stratégies pour la prise en charge de la douleur.

RAISONS D’ÊTRE ET JUSTIFICATION DES PRACTIQUES

La raison principale de la caudectomie chez le mouton est de pré­venir les épisodes de myiase, mais les preuves scientifiques de son efficacité sont peu consistantes.

Au cours d’un épisode myiase, les mouches déposent leurs oeufs sur la peau (myiase cutanée). Les mouches sont principalement at­tirées par l’arrière-train du mouton, probablement parce que cette zone est souvent chaude et humide. Quand elles surviennent, les attaques de mouches peuvent se convertir en un problème de bien-être de toute première importance. Qui plus est, elles conduisent à une réduction en qualité et en quantité de la laine et de la fertilité des brebis. Pendant les épisodes violents d’épidémies de myiases, le taux de mortalité peut atteindre 10% d’un troupeau. Le pourcen­tage de la population d’ovins atteints par les attaques de mouches varie selon les régions, et se situe entre 0,3% et 18%.

La coupe de queue est supposée réduire le risque d’attaque de mouches en empêchant l’accumulation de selles molles autour de la queue, le train arrière et la région ano-génitale. Alors que des études montrent que les moutons souillés d’excréments sont plus enclins à être atteints, la relation entre caudectomie et présence de masses fécales n’est pas claire. Les études qui comparent l’incidence de myiases sur des moutons ayant subi ou non une caudectomie sont controversées.

En général, la justification de la caudectomie des moutons varie de troupeau en troupeau, selon la région géographique, la race de l’animal et d’autres pratiques d’élevage. Il est peu probable qu’une caudectomie routinière bénéficie aux moutons qui n’ont pas ou peu de laine (races à poil et certaines races laitières) ou qui sont élevés dans des régions à faible incidence de myiases. Dans certains cas, la coupe de queue est pratiquée par tradition, ce qui n’est pas acceptable du point de vue du bien-être animal. Quand la queue est coupée, il est recommandé de laisser au moins trois vertèbres coccygiennes palpables sur le moignon de la queue (couvrant au moins la région anale et la vulve des animaux).

La castration permet d’éviter le mauvais goût caractéristique de la viande des moutons mâle entiers une fois la puberté atteinte. La castration apporte d’autres bénéfices, comme éviter les grossesses indésirables et réduire les comportements agressifs.

DESCRIPTION DES PROCÉDURES

La méthode de castration et de caudectomie varie d’une région à l’autre et selon le système d’élevage. L’application d’un anneau de caoutchouc dès la première semaine de vie de l’agneau semble mal­gré tout être la procédure la plus fréquemment appliquée.

La caudectomie par chirurgie consiste à couper la queue avec un couteau ou un scalpel. La technique du fer chaud est similaire à l’approche chirurgicale, à ceci près que la plaie est cautérisée. Les anneaux de caoutchouc réduisent l’afflux sanguin de la portion dis­tale de la queue qui finit par se nécroser et mourir. Dans certains cas, une pince hémostatique est appliquée pendant 10s juste à côté de l’anneau de caoutchouc pour écraser et ainsi détruire les nerfs sous-jacents.

La castration chirurgicale est réalisée ou bien par incision du scrotum et section ou déchirement du canal spermatique, ou bien par une ablation totale du scrotum. La castration peut aussi être faite en utilisant un anneau de caoutchouc, un ruban de latex et/ou une pince (Burdizzo). Toutes ces techniques conduisent à une nécrose des testicules. Une méthode alternative vise à placer les testicules dans la cavité abdominale en appliquant un anneau de caoutchouc autour du scrotum distal. La température plus élevée de l’abdomen, affectant la fonction testiculaire, provoque l’infertilité de l’animal.

LA DOULEUR CAUSÉE PAR LA CASTRATION ET LA CAUDECTOMIE

Des preuves tant comportementales que physiologiques montrent que la caudectomie et la castration sont des procédures stressantes et douloureuses pour les moutons (voir fiche technique FAWEC nº17). La douleur aigüe provoquée par ces procédures dure plu­sieurs heures et est suivie par une douleur chronique qui peut per­durer plus de 48h.

QUELLE EST LA MÉTHODE LA MOINS DOULOUREUSE?

Toutes les méthodes de caudectomie produisent une douleur aigüe. Les agneaux dont la queue a été chirurgicalement coupée montrent des niveaux de cortisol élevés et ils se tiennent debout et marchent de manière anormale après la procédure.

Il a été prouvé que la cau­térisation soulage la douleur chez les agneaux ayant subi une caudec­tomie chirurgicale. Ceux qui ont subi une caudectomie au moyen d’anneaux de caoutchouc ont des niveaux plus élevés de cortisol et passent plus de temps dans des postures et des comportements actifs anormaux associés à des douleurs ischémiques que le groupe con­trôle. La méthode de l’anneau combiné à une pince réduit la douleur.

De nombreuses études montrent que la castration chirurgicale est plus douloureuse que les autres méthodes. Les agneaux castrés chirurgicalement ont plus de comportements associés à la douleur et des niveaux de cortisol plus élevés que les agneaux castrés par d’autres méthodes. Les niveaux de protéines de la phase aigüe de l’inflammation sont également plus élevés chez les animaux cas­trés chirurgicalement. Les agneaux castrés au moyen d’anneaux de caoutchouc ont plus de comportements associés à la douleur et ont des niveaux de cortisol plus élevés que les agneaux castrés avec une pince (Burdizzo).

Y-A-T-IL UNE INFLUENCE DE L’ÂGE?

Que la castration et la caudectomie aient lieu après 5, 21 ou 42 jours de vie, les réponses comportementales sont similaires et in­dépendantes de l’âge, ce qui laisse à penser que les jeunes animaux ont très certainement la même perception de la douleur que les animaux plus âgés. La douleur chez l’agneau interfère sur la prise de colostrum et la création de liens avec sa mère. On peut ajouter que de récentes études ont montré que les agneaux castrés à un très jeu­ne âge sont plus sensibles à la douleur subséquente que les agneaux castrés plus tard. Certaines études ont démontré que les agneaux plus âgés réagissent à la castration par une plus grande inflammation chronique que les très jeunes agneaux (de moins de 2 jours de vie). Il se peut cependant que cette inflammation accrue soit plus due la quantité de chair retirée qu’à un effet direct de l’âge de l’agneau sur la réponse à la douleur.

PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR

Les réponses comportementales et physiologiques indiquant une douleur associée à la caudectomie et à la castration sont toutes deux amoindries quand un soulagement à la douleur est prévu.

Les anesthésiques locaux réduisent la douleur aigüe lors de la castration et de l’écourtage de queue. Pour la caudectomie, l’injection d’un anesthésique local sous-cutané dans la queue im­médiatement après l’application de l’anneau de caoutchouc ou plusieurs minutes avant la chirurgie, réduit la douleur. Pour la cas­tration, l’injection de lidocaïne dans le cou du scrotum bloque les fibres afférentes du nerf spermatique et réduit la douleur lors de la castration, qu’elle soit chirurgicale, par anneau de caoutchouc, par une pince ou une combinaison d’anneau et de pince. Il a été démontré que les anesthésiques topiques contenant de la lidocaïne et de la bupivacaïne réduisaient de façon significative la douleur associée à la castration chirurgicale.

Les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) offrent une analgésie post-opératoire efficace. Les agneaux qui ont reçu des AINS après une castration ou une caudectomie ont moins de comportements liés à la douleur que ceux qui n’ont reçu aucun soulagement à la douleur, et la magnitude de l’effet peut être très conséquente. Par exemple, il a été prouvé qu’après une castration ou un écourtage de queue, le méloxicam réduisait par 7 le nombre de comportements liés à la douleur, et que l’effet était toujours sig­nificatif après 24h, quand l’étude était terminée. Dans les réflexions sur l’usage d’analgésiques chez le mouton, il est important de tenir compte de la facilité d’application et de la durée de leur effet.

“LA CAUDECTOMIE ET LA CASTRATION PROVOQUENT DE LA DOULEUR INDÉPENDAMMENT DE LA MÉTHODE EMPLOYÉE ET DE L’ÂGE DES ANIMAUX ”

RÉSUMÉ

La nécessité de réaliser des pratiques d’élevage douloureuses comme la castration et la caudectomie doit être évaluée par une analyse au cas par cas. L’âge n’a que peu d’incidence (s’il en a) sur la douleur causée par la castration et la caudectomie. Sur la base de mesures des niveaux de cortisol, la caudectomie chirurgicale semble produire plus de stress que les autres méthodes. Les anesthésiques locaux et les AINS sont tous deux utiles pour réduire la douleur causée par la castration et la caudectomie.

RÉFÉRENCES

  • Rault J-L, Lay Jr DC, Marchant-Forde JN, 2011. Castration induced pain in pigs and other livestock. Applied Animal Beha­viour Science 135: 214-225.
  • Sutherland MA, Tucker CB, 2011. The long and short of it: A review of tail docking in farm animals. Applied Animal Beha­viour Science 135: 179-191.

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